• Que se passe-t-il à la frontière de la Russie ?

    Que se passe-t-il à la frontière de la Russie ?

    Carte reprise du "Monde en cartes (@LM_encartes)/twitter"

    La politique internationale de la Russie n'est pas sans nous interroger sur ses objectifs internes et externes. Les mouvements de troupes russes actuels posent question. L'article ci-après synthétise les nombreuses informations que nous pouvons trouver dans les médias. Que se passe-t-il à la frontière de la Russie ?

    Revenons un instant sur les incontournables de la situation géopolitique de la Russie. 

    Le régime politique en vigueur en Russie est autoritaire et non démocratique: emprisonnement des opposants, non liberté de la presse, pas d’élections libres,… Néanmoins le pouvoir dispose d’un certain appui dans la population, en raison de la stabilité politique retrouvée après la période de la chute de l’URSS.

    La volonté de Poutine est de retrouver l'importance politique et stratégique sur la place internationale que la Russie avait au temps de l'ex URSS, perdue fin 1991. Mais pour redorer son blason, la Russie doit faire face à quatre défis majeurs pour les décennies à venir, tout en conservant l'appui de sa population : 

    •  Régler ses problèmes régionaux avec ses territoires comme avec ses voisins, non résolus depuis la fin de la deuxième guerre mondiale et la fin de l'URSS. 
    • Prendre en compte le réchauffement de la planète qui touche de plein fouet la Sibérie et l'Arctique. 
    • Gérer la chute de sa natalité.
    • Mettre à niveau son économie.

     

    1. Depuis la chute de l’URSS, des instabilités perdurent sur l’ensemble des frontières de la Russie : l'Ukraine (la Crimée et le Donbass), les états Baltes, Moldavie, Biélorussie, Arménie et Azerbaïdjan, Ossétie, Kazakhstan, Géorgie, à la fois sur le tracé des frontières et l'origine des peuples.
    2. Le réchauffement de la planète impactera pleinement la Russie. Il aura l'avantage de rendre la Sibérie exploitable et d’ouvrir le domaine maritime de l'Arctique. Encore faudra-t-il avoir les ressources pour mettre en valeur ces territoires sans compromettre l’équilibre environnemental. Mais, revers de la médaille, la fonte du permafrost va entraîner une transformation totale des écosystèmes, la débâcle des fleuves et du sol.
    3. Une chute importante de sa natalité, la baisse de 10 millions d'habitants d'ici 2050 et de 20 millions vers 2100 ! Cela ne peut pas être sans conséquences sur sa politique intérieure et sur son poids politique.
    4. L’économie actuelle de la Russie est basée sur l’exportation du pétrole et de gaz. Ces ressources vont progressivement diminuer. Par ailleurs la course actuelle aux armements consomme une grande partie des investissements qui seraient nécessaires pour moderniser l’économie.[i]

     

    De façon concrète et immédiate : le conflit avec l'Ukraine.

    Un peu d'histoire.  

    C'est à Yalta en 1945 que furent dessiné les contours des pays et leurs frontières. D'immenses déplacements de populations eurent lieu pour faire "entrer" les nationalités dans leurs nouvelles frontières.  Pour ce qui concerne les pays dit "de l'Est", l’URSS a défini unilatéralement les tracés des pays qu'elle contrôlait. Les frontières de l'Ukraine sont récentes, datant de 1945 après une annexion de territoires antérieurement Polonais et Hongrois.  

    L'Ukraine comptait 44 millions d'habitants en 2020 (elle en comptait 51 millions en 1989 !). Elle a perdu 10 millions d'habitants depuis 2000. La raison principale : 6,3 millions ont quitté le pays vers la Pologne et la Russie à cause de la guerre et l'annexion de la Crimée. Une diaspora importante vit aux USA. L'Ukraine compte 10 millions de russophones vivant essentiellement en Ukraine orientale, le Donbass, Louhansk, Donetz et la Crimée où les russophones sont très majoritaires à près de 70 %.  

    La Crimée a été créée en 1921 en RSSA (République Socialiste Soviétique Autonome). Kroutchev la rattache à l'Ukraine en 1954. Après un référendum sur l'indépendance en 1991, le parlement de la Crimée a voté en 1992 la souveraineté du territoire, et, pour certains de ses membres, demandé son rattachement à la Russie.   La Crimée est le centre névralgique de la flotte Russe installée à Sébastopol pour la méditerranée depuis le XVIIème siècle ! Avec la base militaire en Syrie et les récents accords de partenariat avec la Turquie pour le passage des navires militaires dans le détroit du Bosphore, elle est une pièce maîtresse de la stratégie militaire russe en Méditerranée. Depuis 2014, après l'annexion par la Russie de la Crimée, validée par un referendum contesté partout dans le monde, c'est la législation Russe qui s'applique. 

    Le Donbass est un bassin houiller partagé entre la Russie et l'Ukraine. C'est une région économique importante pour l'Ukraine avec ses deux provinces, celle de Donetsk et celle de Lougansk pour l'extraction du charbon et la sidérurgie.  Le referendum de 1994 montre bien l’attachement de ces régions à la Russie[ii].  

     

     

    Pourquoi ce qui n'était qu'un conflit régional est en train de devenir un risque pour la paix mondiale ?  

    Extension de l’OTAN

    C'est l'extension de l'Alliance Atlantique dans les anciens pays de l'Est et les anciennes républiques autonomes soviétiques qui déclenche depuis de nombreuses années la réaction de Moscou. Des forces de l'OTAN sont déployées et stationnées dans les 3 pays Baltes, en Pologne, en Hongrie, en Roumanie et en Bulgarie (voir carte). 

    La Russie n’a pas fait le deuil de la perte de sa zone d’influence historique dans les pays de l'ex URSS.[[iii] 

    Poutine demande la fin de l'élargissement de l'Alliance Atlantique dans les pays de sa périphérie, et en particulier le retrait de l'OTAN en Roumanie et en Bulgarie. Il concentre des armées, plus de 100000 hommes, tout le long de sa frontière avec l'Ukraine, étant en cela aidé par la Biélorussie qui dispose de bases aérienne Russe. Ce qui pourrait laisser penser à une l'invasion de l'Ukraine "pour terminer le travail de division du territoire" et y empêcher l'installation de l'OTAN. 

    Depuis juin 2021, les discussions ont lieu directement entre Poutine et Biden. Ils se sont rencontrés à Genève. L'Europe est relativement absente de ces pourparlers.  

    Aujourd’hui autant il est nécessaire de protéger ces pays de toute ingérence russe dans leurs affaires et éviter ainsi que tout conflit régional ne puise renaître, autant il est nécessaire d’enclencher une désescalade militaire de deux côtés de la frontière pour éviter le sentiment d’encerclement de la Russie.

    Le sort de la Crimée et du Donbass.

     En décembre 2014, l'Allemagne et la France avaient réuni une conférence quadripartite à Paris "Format Normandie[i]" pour chercher avec les Russes et les Ukrainiens un cesser le feu d'une guerre qui a fait plus de 13000 morts, pour activer les accords de Minsk de 2014, signés en septembre.  

    Si c'est le vœu de la majorité de leurs habitants, laissons les russophones de Crimée et du Donbass rejoindre la Russie. Il suffit de respecter les règles en la matière dans le processus de ratification internationales.[ii]  

    Les sanctions économiques.

    Les sanctions économiques n’ont jamais contraint un régime autoritaire en place (les exemples sont nombreux, Corée du Nord, Iran, …). Ils conduisent à un repli sur soi du pays autoritaire et à la désignation d’un bouc émissaire tout trouvé pour la misère du pays.

    Tout au contraire une ouverture de l’économie conduit à des interactions économiques qui deviennent rapidement incontournables et qui contribuent à relâcher l’autoritarisme du pays et la Russie en a un réel besoin. 

    Le rôle de l’Europe

    Une fois de plus l’Europe brille par son absence en laissant la main aux Etats-Unis. Déjà à la chute de l’URSS, en laissant les oligarques et les mafias accaparer pour leur compte les richesses du pays, l’Europe a contribué à la mise en place de ce régime autoritaire.

    Aujourd’hui l’Europe a un rôle à jouer en combattant l’isolement de la Russie et en contribuant au développement dans ce pays, de façon à faire évoluer pacifiquement le caractère autoritaire de ce régime. 

    Une solution politique.

    Poutine ne semble pas vouloir d’autre solution politique que le départ des militaires de l'OTAN dans les ex-pays sous sa coupe au temps de l'URSS et la non-adhésion de l’Ukraine à l'Alliance Atlantique, quitte à utiliser le gros bâton militaire. Cette politique pousse l'occident à militariser un peu plus ses positions dans les pays ayant passé des accords de coopération avec l'OTAN. On est dans l’escalade.

    Pourtant une conférence internationale devrait élaborer ce processus, à partir des objectifs de 1994 et des Protocoles Minsk1 et Minsk 2 de 2014-15. Ce processus devrait être ratifié ensuite par des referendums et entériner ainsi les transformations qu’il propose.  Ramenons la Russie à la table des négociations en la considérant comme partenaire politique de l'Europe   

     

    Mais nous n'en sommes pas encore là. Ce bras de fer est inquiétant car il risque de nous entraîner dans un conflit qui dépasserait très vite le théâtre régional. 

    Les approches en termes de rapport de force et de géopolitique ne conduisent pas au rapprochement et à la paix des peuples. 

     Jean-François Thil et Marc-Noel Vandamme

    [i] Le PIB par habitant est de 10126.72 USD en 2020 contre 38625.07USD pour la France. Ces niveaux sont stables depuis 2007. Même si le PIB est un mauvais indicateur, la différence est significative.

    [ii] "Par un referendum consultatif portant sur diverses questions constitutionnelles dans les provinces du Donetsk et de Louhansk, organisé en même temps que les premières élections législatives de l’Ukraine indépendante. On demandait entre autres si le russe devait devenir une langue officielle en Ukraine; si le russe devait être la langue administrative dans les territoires de Donetsk et de Louhansk ; si l'Ukraine devait devenir un État fédéral, et si elle devait être associée plus étroitement à la CEI Russe. Près de 90 % des électeurs votèrent en faveur de ces propositions, mais aucune ne fut adoptée : l’Ukraine demeura un État centralisé ayant pour seul langue officielle l'ukrainien" (Wikipédia).  
    [iii] En 1989, un accord avait été passé entre Gorbatchev et ses homologues européens pour ne pas s'opposer à la réunification des deux Allemagne si ceux-ci s'engageaient à ne pas étendre les positions de l'Alliance Atlantique vers l'Europe de l'Est. 


    [i] Les dialogues au "Format Normandie" : Le Format Normandie est la configuration diplomatique à quatre pays adoptée pendant la guerre du Donbass. Elle rassemble la Russie et l'Ukraine, les belligérants, ainsi que l'Allemagne et la France.

    [ii] «l'Ukraine n'échappera pas au processus de transformation qu'elle avait pourtant adoptée par referendum en 1994, de son organisation politique et territoriale. Régionalisation, droit des populations à décider d'elles-mêmes, sont les seules solutions d'avenir» propos d’Hélène Hélène Carrère d'Encausse, historienne de l'Europe et de l'Union Soviétique à France 2.

     

      

     

     

     

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